Droit d’asile : Des avancées, et des reculs inquiétants
Communiqué de presse du 09/12/2014

Le projet de loi relatif au droit d’asile, qui va être examiné par l’Assemblée nationale à partir d’aujourd’hui, contient des mesures qui entendent réformer en profondeur la procédure d’asile. Certaines constituent des avancées que le Collectif ALERTE salue, tout en soulignant un manque de moyens associés. D’autres renforcent le contrôle des demandeurs d’asile au détriment de leur protection.

ALERTE apporte son soutien aux positions exprimées par plusieurs de ses adhérents : la Cimade, le Secours Catholique, l’Assfam, le CLARA, l’Amicale du Nid et Emmaüs France.

L’accueil des demandeurs d’asile
Le projet de loi prévoit un guichet unique d’accueil, d’information et d’orientation des demandeurs d’asile par l’OFII, établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur, après enregistrement de la demande par la préfecture. Quel sera, dans ce contexte, le rôle des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile (gérées par l’OFII ou par des associations) qui effectuaient jusqu’à présent une partie de ces missions ? Si les associations étaient totalement écartées du premier accueil, on pourrait craindre que des considérations liées à la gestion des flux migratoires puissent prendre le pas sur les besoins de protection des personnes.
De plus, pendant l’examen de la demande d’asile, les demandeurs ne seraient plus autorisés à séjourner en France mais seulement à s’y maintenir. Le choix de délivrer une attestation et non plus un titre de séjour pourrait aussi avoir des incidences sur la liberté de circulation des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire.

La réduction des délais
Le projet de loi prévoit la réduction des délais d’enregistrement et d’examen de la demande d’asile, l’objectif étant de parvenir à une décision définitive dans un délai de neuf mois dans le droit commun et de trois mois pour les « procédures accélérées ». Ceci suppose un renforcement important des moyens des préfectures, de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

La multiplication des procédures accélérées
Le projet de loi multiplie les possibilités pour l’OFPRA, le plus souvent sur le « constat » de la préfecture, de décider qu’un dossier sera examiné en procédure accélérée sur la base d’un certain nombre de critères. De ce fait, le demandeur disposera de moins de garanties qu’une personne placée en procédure normale : délais plus courts pour le dépôt de la demande, de même que pour l’examen du dossier par l’officier de protection. Surtout, les recours devant la CNDA contre les décisions de refus de l’OFPRA seront examinés par un juge unique et non plus par une formation collégiale.
Ces inégalités de traitement ne se justifient en rien.

L’entretien à l’OFPRA
Le projet de loi transpose une directive européenne en prévoyant un entretien systématique à l’OFPRA avec la présence d’un tiers, avocat ou association. Ces mesures constituent une avancée importante. Cependant le mandat de la tierce personne doit être précisé, ainsi que les modalités de mise en œuvre et les moyens financiers associés à ce dispositif.

Le recours devant la Cour nationale du droit d’asile
Le projet de loi prévoit un recours suspensif devant la CNDA pour presque tous les demandeurs d’asile, en application d’une directive européenne. Ce progrès est contrebalancé, pour les personnes placées en procédure accélérée ou dont la demande est considérée comme irrecevable, par un délai d’examen du recours plus court par un juge unique. Concernant les personnes placées en procédure Dublin, le délai de recours est de sept jours seulement, et le dossier examiné là encore par un juge unique dans un délai de quinze jours.

L’hébergement directif
Le projet de loi prévoit un dispositif d’hébergement directif dans lequel le demandeur d’asile sera obligé d’accepter une place en centre d’accueil pour demandeur d’asile (CADA) n’importe où en France. Si cette mesure vise à une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire, le refus d’accepter l’offre d’hébergement ou le fait de quitter le lieu d’hébergement sans autorisation du préfet ont des conséquences tout à fait disproportionnées. L’intéressé pourra en effet non seulement perdre le bénéfice de l’hébergement mais voir l’instruction de sa demande d’asile close par l’OFPRA.

Des moyens insuffisants
Le projet de loi a des ambitions importantes : réduire les délais, héberger et verser une allocation financière à tous les demandeurs d’asile, leur proposer un entretien systématique à l’OFPRA et leur permettre de bénéficier de la présence d’un tiers. Mais ce nouveau système ne pourra voir le jour qu’avec des moyens supplémentaires. Ils sont pour l’instant, pour ALERTE, insuffisants par rapport aux ambitions du gouvernement, ambitions qui ne sont elles-mêmes pas la hauteur des enjeux de désengorgement d’un dispositif aujourd’hui totalement saturé.

Coordination et animation du collectif Alerte national
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(c) Réseau Uniopss-Uriopss, 09/12/2014
FICHE N°80239
Mis à jour le : 09/12/2014
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